Pratique sur le terrain
La pratique sur le terrain vise à sortir des cadres traditionnels d’enseignement et à créer ou à transformer l’expérience étudiante grâce à des exercices pratiques sur site ou en simulation de la vie réelle (Bot et al., 2005; Chen et Fortune, 2017). Le site de la pratique sur le terrain peut se trouver sur le campus, dans la localité, en milieu professionnel, ou à l’international.
La pratique sur le terrain peut présenter des similitudes avec d’autres méthodes d’apprentissage expérientiel comme la démonstration, la simulation, le jeu de rôle, le projet, l’atelier pratique ou le stage. Elle est applicable dans la plupart des domaines de formation universitaire. Même dans des domaines plus théoriques, il est souvent possible d’y ajouter des aspects plus concrets et pratiques, notamment avec le soutien des conseillères et conseillers en pédagogie universitaire.
Voici des exemples d’activités pour certaines disciplines :
- Biologie ou foresterie: identification d'espèces d'arbres et échantillonnage dans une forêt
- Travail social: consultation en économie familiale auprès de personnes à faibles revenus
- Langues: clinique d'aide à la rédaction en anglais langue seconde
- Éducation: aide aux devoirs sur le terrain dans une école
- Kinésiologie: animation de séances d’exercices adaptés dans une résidence pour personnes âgées
- Philosophie: animation d’ateliers d’éthique appliquée à un domaine particulier (affaires, relations publiques, relation d’aide…)
- Histoire: collecte de données dans les archives d’un établissement en vue de réaliser une interprétation historique.
Avantages de la méthode
Lors d’une pratique sur le terrain, les personnes apprenantes développent des connaissances ou compétences en interagissant directement avec l’environnement qui incarne les concepts à étudier, plutôt que de se fier à des ressources pédagogiques comme des présentations orales ou des manuels de cours. C’est pour cela que la pratique sur le terrain est l’une des méthodes d’apprentissage expérientiel qui préparent le mieux les personnes étudiantes à la vie réelle ou professionnelle. Ses avantages, confirmés par des études menées dans différents contextes (Peacock, Mewis et Rooney. 2018; Mekonnen, 2000; Sivan et al. 2000), se traduisent notamment par:
- une perception plus claire de l’utilité de la formation
- la maitrise, la mise en pratique et le transfert de connaissances ou de compétences acquises en contexte académique
- le développement de compétences d'apprentissage autonome
- l’augmentation de l’engagement et de l’intérêt pour le domaine de formation.
Mise en œuvre
La planification, la mise en œuvre et l’animation de la pratique sur le terrain dépendent des cibles d’apprentissage et de l’activité spécifique de pratique sur le terrain que vous utilisez. Quelle que soit votre situation, vous pourriez vous inspirer du cycle d’apprentissage expérientiel de Kolb.
Voici quelques pistes pour vous permettre de mettre en œuvre et d’animer une séquence ou une séance de pratique sur le terrain selon chacune des étapes de ce processus d’apprentissage.
Note: dans le processus d’apprentissage expérientiel de Kolb, les étapes ne sont pas linéaires et ont toutes la même valeur. La personne étudiante navigue entre elles selon différents facteurs incluant son bagage antérieur, ses préférences, le guidage qui lui est offert, etc. Pour un apprentissage expérientiel de qualité, le cycle doit être complété.
Exemple
Pour illustrer clairement chaque étape, l’exemple ci-dessous est une activité pour un cours en sciences géomatiques.
Dans cette activité, la personne apprenante est chargée de planifier et de réaliser un levé topographique, en décidant des points à mesurer, de l’ordre des mesures et du matériel nécessaire.
C’est le point de départ de la pratique sur le terrain. Une expérience concrète est choisie par la personne enseignante ou par la personne étudiante qui vit l’expérience et se met en action, individuellement ou en équipe, pour en tirer des apprentissages.
Dans l'exemple, cette étape correspond à la réalisation des activités de planification et de collecte des données topographiques.
La personne étudiante analyse son expérience en la décomposant pour identifier les points forts et ceux à améliorer de sa démarche, tout en portant attention au résultat de l’expérience. Cela peut se faire à l’aide de questions comme : quels étaient les éléments clés de l'expérience? comment ces éléments ont-ils contribué au résultat?
Pour une personne étudiante inscrite au cours de sciences géomatiques de notre exemple, ces questions pourraient porter sur:
- la sélection des points à mesurer:
- Quels critères ai-je utilisés pour choisir ces points?
- Les points choisis couvrent-ils de manière adéquate la zone d'intérêt?
- la méthode utilisée pour déterminer l'ordre des mesures:
- Comment ai-je optimisé le parcours pour gagner du temps et minimiser les erreurs?
- Y avait-il des contraintes spécifiques qui ont influencé l'ordre des mesures?
- le matériel choisi et son adéquation:
- Est-ce que le matériel sélectionné était adapté aux conditions du site et aux objectifs du levé?
- Ai-je rencontré des problèmes avec le matériel et comment les ai-je résolus?
- la gestion des données collectées:
- Quelle méthode ai-je utilisée pour enregistrer et organiser les données de mesure?
- Comment ai-je vérifié l'exactitude et la précision des données collectées?
La personne étudiante doit parvenir à formuler des concepts abstraits sur la base de son analyse, en répondant à des questions comme : Quels principes généraux pourrais-je tirer de cette expérience? Comment ces principes généraux s'appliquent-ils à d'autres situations?
Les questions que se posera la personne étudiante inscrite au cours de sciences géomatiques fourni ci-dessus en exemple pourraient porter sur :
- L’environnement de pratique et ses contraintes:
- Comment le contexte environnemental (terrain, végétation, météo) influence-t-il la planification et la réalisation du levé?
- Quelles adaptations sont nécessaires pour prendre en compte ces contraintes?
- La précision et les erreurs potentielles :
- Quelles sont les sources potentielles d'erreurs dans ce levé topographique et comment pourrait-on minimiser ces erreurs pour améliorer la précision des mesures?
- L’interprétation des données :
- Comment les données collectées peuvent-elles être utilisées pour modéliser le terrain ou pour d'autres applications?
La personne étudiante devra répéter le cycle, après avoir testé les concepts ou les principes en les appliquant à une nouvelle situation. Pour cela, elle peut se demander si ces concepts ou principes fonctionnent bien et s’ils devront être modifiés.
Inspiré et adapté de Votre guide ultime du cycle et des styles d’apprentissage expérientiel de Kolb
Point de vigilance
Malgré ses avantages, la pratique sur le terrain peut ne pas convenir à toutes les personnes étudiantes. Celles qui éprouvent des besoins particuliers peuvent rencontrer des obstacles qui rendent moins efficace la stratégie choisie. Les personnes peu familières à la méthode ou à l’environnement de pratique peuvent faire face à certains défis, ce qui peut occasionner une contre-performance. On doit aussi s’assurer que l’activité et nos attentes quant à la prestation qui sera réalisée sont adaptées au niveau actuel des personnes étudiantes. Dans certains cas, il faudra peut-être planifier des activités préparatoires avant de placer les personnes étudiantes en situation réelle.
C’est pour cela qu’il importe de:
- préparer les étudiantes et les étudiants avant la réalisation d’activités sur le terrain, notamment avec :
- des explications détaillées sur les conditions de pratique
- des mises en situation ou des études de cas à réaliser en classe
- des témoignages d’étudiant(e)s ayant vécu des expériences similaires
- des simulations ou des activités à réaliser en laboratoire
- envisager des alternatives pédagogiques notamment avec les outils numériques ou du soutien personnalisé ou d’autres adaptations.
Témoignage
«Beaucoup d’étudiants, dans leur CV, mettent comme expérience de travail les cours qu’ils ont suivis qui utilisent cette méthode pédagogique»
Louis Bélanger, professeur titulaire, Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique
Student perceptions of the learning process during undergraduate field practicum: a qualitative study. Social work education
36(5), 467-480. Chen, Q., & Fortune, A. E. (2017).
The use of campus based field teaching to provide an authentic experience to all students
Journal of Geography in Higher Education, 42(4), 531-539. Peacock, J., Mewis, R., & Rooney, D. (2018).
Using peer assessment of fieldwork to enhance students’ practical training
Assessment & Evaluation in Higher Education, 39(2), 223-241. Dave (1970) cité dans El-Mowafy, A.(2014).
Making the most of the university campus for teaching ecology. New Directions in the Teaching of Physical Sciences
11(1), 1-5. Bacon, K. L., & Peacock, J. (2016).
«Apprendre par la pratique » : une méthode d’enseignement pour l’apprentissage actif dans l’enseignement supérieur scientifique
Revue européenne de l’enseignement de l’ingénierie, 30, 105 - 119.Bot, L., Gossiaux, P., Rauch, C., et Tabiou, S. (2005).
Evaluating the effectiveness of ‘learning by doing’ teaching strategy in a research methodology course, Hargeisa, Somaliland
African Educational Research Journal, 8, 13-19. Mekonnen, F. (2020).
An Implementation of Active Learning and its Effect on the Quality of Student Learning
Innovations in Education and Training International, 37(4), 381–389. Sivan, A., Leung, R. W., Woon, C., & Kember, D. (2000).
Aller plus loin
Apprentissage expérientiel — Wiki-TEDia (teluq.ca)
Page Wiki de la TÉLUQ sur l’apprentissage expérientiel.
Apprentissage par la pratique - UniversityRH)
Définition de l’apprentissage par la pratique (Dictionnaire de l’E-learning »).
Improving Field Education Through Kolb Learning Theory
Article expliquant comment améliorer la pratique sur le terrain grâce à la théorie de l’apprentissage Kolb. Paru dans Journal of Social Work Education, 34, pages 31-42.
Pour aller plus loin encore dans la complexité des apprentissages pratiques proposes à ses étudiant(e)s
Possibilités d’utiliser la taxonomie de Dave (1970).